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Groupe des Coteaux

Peut-on aimer sans s'aimer ?

 

Ce qu'a dit le groupe :

- Rappel des trois types d'amour : Eros - le désir, Philia - le partage - Agapé - le don de soi

- s'aimer soi-même

Montrer que l'on s'aime trop soi-même, donne aux autres une mauvaise image de soi et les repousse. Il faut cependant s'aimer, mais ni trop, ni pas assez. S'aimer implique la confiance en soi. Il y a plusieurs formes de confiance : la confiance en ses capacités physiques et intellectuelles (adaptation, compréhension, mémoire,...), la confiance dans ce que l'on est affectivement et spirituellement parlant. La confiance dans ses qualités. Enfin, la confiance implique l'acceptation de ses défauts. Elle implique également d'avoir une projection positive de la vie et des autres qui facilitera la relation avec les autres.

Compléments apportés par les discussions :

Il y a deux façons de s'aimer : l'amour de soi et l'amour propre. L'amour de soi est l'amour de soi par soi-même alors que l'amour propre est l'amour de soi à travers les autres. Il est privatif de liberté puisqu'il passe par le jugement que les autres portent sur nous.

Rappelons que Jésus nous demande de ne pas juger (ni soi, ni les autres) Matthieu 7(1-5).  Il serait faux de penser que Jésus désapprouve toute forme de jugement. Ce commandement de ne pas juger notre prochain ne réclame pas l’abandon de notre esprit critique. Il s’agit d’une interdiction de juger dans un esprit qui cherche querelle et non pas d’une suspension de notre discernement. On a trop souvent tendance à critiquer les autres pour réhausser sa propre image ...

Il faut enfin remarquer que trop s'aimer est parfaitement nuisible lorqu'il s'applique à l'amour propre qui de ce fait, abaisse tous les autres vis à vis de soi-même.

Réflexions collectives

En reprenant ce qui a été dit à la précédente réunion, il y a plusieurs façon d'aimer et ce sera la proportion de ces différents types d'amour en nous qui déterminera notre relation aux autres, sa qualité et donc la joie  ou les impressions d'échecs que nous ressentirons.

Éros

Si, dans notre relation à l'autre, nous plaçons notre égo au centre, si nous projetons notre image sur l'autre, c'est à dire, si nous demandons à l'autre d'être comme nous, l'échec est assuré, car il est impossible que l'autre soit comme nous. De plus, dans ce cas, nous souffrons d'autisme. L'autre n'existe pas pour nous. il le ressentira  et agira vis à vis de nous en conséquence, c.à.dire : négativement. La relation est itérative !

La relation selon Eros veut prendre chez l'autre ce qui manque chez "soi". Si la personne d'en face est "Agapé", elle donnera tout. Se pose alors la question de savoir s'il est possible de n'être qu'Agapé sans se faire écrasé par la société.

(Le groupe a demandé que l'on traite cette question dans une prochaine réunion)

Ce que l'on voit, c'est que le type de relation dépend du type d'amour de chacun des intervenants vis à vis de l'autre. Si les deux sont Eros, le conflit est inévitable et l'échec de la relation total. Si les deux sont en agapé, l'entente ne peut être que total et la jois assurée. Mais nous avons tous les trois types d'amour en nous. à nous de travailler pour qu'au fil du temps la philia puis l'agapé prennent de plus en plus de place en nous pour nous rendre de plus en plus heureux.

Éros : Est probablement le type d’amour qui expose le plus à la souffrance pour plusieurs raisons : D’abord parce qu’éros, par nature irrationnelle est porteur d’illusion : On peut croire être aimé de l’autre, alors qu’il s’approprie et on peut croire l’aimer alors qu’on ne fait que se l’approprier (éros l’amour qui prend). Ensuite, parce que si le désir est plus passionnel (sous-tendu par le manque) que le simple attrait du plaisir partagé, éros peut générer un état de dépendance d’autant plus pernicieux qu’il est inconscient. C'est l'amour "dépendance", celui qui ne laisse pas de place à la liberté de l'individu.

 

Agapè : Amour universalisé, bienveillance sans contrepartie « l’amour qui donne » Agapè, c’est l’amour qui donne sans contrepartie, si ce n’est par plaisir de donner ou de se donner. Agapè qui donne est à l’opposé d’Éros qui prend. Agapè n’attend rien pour soi. Agapè n’a pas d’amour propre (cet amour de soi sous le regard de l’autre). Agapè est pur amour universel dans lequel le moi tend à se dissoudre, à se retirer. Par définition même, en Agapè, on peut aimer sans être aimé. 

Agapè est, par définition même, le type d’amour duquel on ne puisse pas souffrir, puisque agapè est l’amour qui donne pour le plaisir de donner, sans rien attendre en retour 

Philia : Amitié, solidarité, souci de l’autre dans la réciprocité « l’amour qui partage » L’amour-philia c’est se réjouir ensemble. Convivialité du plaisir partagé, la Philia est réciproque ou elle n’est pas. La philia c’est aussi savoir se mobiliser pour l’autre lorsqu’il est dans l’épreuve. C’est donc être attentionné. L’amour-philia est solidaire pour que perdure la joie ou il n’est pas. Tout comme en amitié, on ne peut aimer durablement en amour-philia sans être aimé. Pour que cet amour dure, il faut que chacun y trouve son compte; ce qui n’est pas forcément une mince affaire, d’autant que c’est souvent ceux qui attendent beaucoup de l’amour qui, paradoxalement, sont le moins prêts à aimer. On peut aimer sans être aimé sous l’emprise d’Éros et d’Agapè pour des raisons diamétralement opposées : Éros en tant que possession/captation de l’autre pour soi et Agapè en tant que don à l’autre. Philia, en position intermédiaire entre les pôles extrêmes que constituent Éros et Agapè, les tempère dans la réciprocité. Philia est un échange/partage entre l’amour qui prend (Éros et amour propre) et l’amour qui donne (Agapè), tant au plan des plaisirs (avec ou sans dimension érotique) qu’au plan de la solidarité et de l’entraide. « Aimer sans être aimé » n’a a priori aucun sens en amour-philia puisque chacun doit y trouver son compte. 

 

2. Pourquoi peut-on souffrir d’amour ? Qu’est-ce que souffrir d’amour ?

On peut dire d’une façon générale que la souffrance amoureuse est générée par la privation ou le manque de quelque chose dont le moi éprouve le besoin. Le moi dont il est question ici l’est au sens de Lacan selon lequel « Le moi est fait de la succession de ses identifications avec les objets aimés qui lui ont permis de prendre sa forme » Ainsi le moi pourra-t-il aussi bien souffrir de ne pas ou ne plus être aimé que de ne pas ou ne plus aimer par suite d’une rupture ou d’une inflexion du cours historique de ses identifications avec les objets aimés, qu’il en soit la victime (le subissant, l’objet) ou l’auteur (l’agissant, le sujet). De quels types d’amour pouvons-nous souffrir : Éros, Philia ou Agapè ? . Philia : En tant qu’intermédiaire entre l’amour qui prend (éros) et l’amour qui donne (agapè), l’amour-philia peut exposer à la souffrance à la hauteur du dosage entre les deux types d’amour qui le trament. Concernant l’amitié, si l’on ne peut stricto sensu parler d’éros, toute forme d’appropriation (fusion) qui peut aussi sous-tendre les relations amicales constituera au même motif l’assise de la souffrance en cas de rupture. Et l’amour propre dans tout ça ? L’amour propre, c’est l’amour de soi sous le regard de l’autre : le désir d’en être aimé, estimé, reconnu, ce qui revient au fond à n’aimer l’autre que pour soi, et souvent à ne s’aimer soi que pour l’autre. (A.C-S) En moins primaire, on peut voir dans l’amour propre les mêmes caractéristiques que dans éros (l’amour qui prend ou pour le moins qui attend) N’aimer l’autre que pour soi et pire encore ne s’aimer soi que pour l’autre c’est fatalement en dépendre et par la même s’exposer à la souffrance liée à cette façon relativement commune d’aimer. Aussi peut-on se demander si la souffrances amoureuse, voire même la complaisance à son égard (nostalgie/romantisme), n’est pas plus souvent liée à l’amour propre qu’à l’amour de l’autre proprement dit ? Éros, tout comme l’amour propre, génère la dépendance à l’autre de laquelle on peut penser que ressortit bon nombre de souffrances amoureuses. 

 

3. Aime-t-on pour soi ou pour le bien de l'autre ? Aimer est-ce trouver en l’autre ce qui nous manque (Éros) ?

Si, comme le pense Platon, l’amour est désir et si le désir est manque, on peut effectivement penser qu’aimer c’est d’abord trouver en l’autre ce qui nous manque. Éros, par sa dimension passionnelle, incarne tout à fait cette façon d’aimer. Mais, qui pourrait se plaindre que les amants se prennent mutuellement si cette union passionnée est joyeuse ? Sûrement pas eux ! Dans d’autres domaines moins irrationnels, qui pourrait par exemple reprocher à quelqu’un d’être attiré par : L’ouverture d’esprit de l’autre, et cela d’autant plus qu’il serait cultivé ? Ou sa générosité, et cela d’autant plus qu’il serait riche ? Sauf que, comme le dit Platon, rôde bien là un « démon » que plus tard les scolastiques appelleront concupiscence ! Aimer est-ce donner à l’autre ce qui lui manque (Agapè) ? On peut également le penser, ne serait-ce qu’en pure logique, car qui pourrait douter que quelqu’un puisse trouver ce que lui manque si personne n’était prêt à le lui donner ? L’amour qui donne, c’est Agapè. Dans sa forme la plus pure, Agapè donne « gratuitement », pour le simple plaisir de donner, sans attendre en retour la moindre contrepartie. Comme peuvent l’incarner les grands sages ou les grands mystiques, Agapè n’a besoin de rien si ce n’est d’aimer et donner jusqu’à se donner tout entier. Oui mais, comme Agapè présuppose également la vacuité de l’ego !, cela va sans dire que, même si Agapè apparaît au nom des « grands sentiments » comme étant la plus noble façon d’aimer, en pratique, au jour le jour, Agapè est bel et bien la forme d’amour la plus difficile à atteindre. L’amour philia : En guise de modus vivendi entre l’amour pour soi (Éros) et l’amour pour l’autre (Agapè) ? Il n’y a pas d’amours qui puissent tenir durablement si chacun n’y trouve son plaisir ! N’est-ce pas qu’enseigne l’amitié puisqu’elle ne peut pas vivre sans une certaine réciprocité ? La réciprocité (dès lors évidemment qu’elle n’est pas froidement comptable), c’est aussi l’affection, le souci de l’autre, l’entraide et la solidarité. N’y a-t-il pas là tout ce qu’il faut pour que chacun puisse y trouver son compte ? Mais il paraît clair que, dans un tel contexte, Éros et/ou l’amour propre ne puissent pas faire cavalier seul et qu’ils doivent eux aussi finir par se tramer dans la complicité. Cesser de désirer, c’est cesser de vivre. Mais on peut désirer pour le plaisir plutôt que pour vouloir satisfaire un manque (A.C-S) Souscrire à cette nuance dans la définition du désir, ne revient-il pas à tourner un peu le dos à Éros et à l’amour propre pour regarder davantage en direction d’Agapè et ainsi accéder à Philia, l’amour complice qui partage ? 

 

4. Peut-on être heureux sans aimer ?

Si l’amour est joie, il paraît difficile d’être heureux sans aimer. C’est ce que pense d’une façon ou d’une autre : Aristote « Aimer c’est se réjouir » Spinoza « L’amour est joie » Freud « Quand on a perdu la capacité d’aimer, c’est qu’on est malade » Montaigne « Pour moi donc, j’aime la vie » N’est-il d’ailleurs pas évident que si nous aimions « tout ce qui est », nous serions pleinement heureux ? Si nous espérons au nom de l’amour n’est-ce pas que nous ne nous contentons pas de ce qui est ? N’est-il pas vrai en effet que : On espère ce que l’on a pas On espère ce qui ne dépend pas de nous On n’est jamais certain d’obtenir ce que l’on espère On n’est pas satisfait ici et maintenant lorsqu’on espère A ce titre ne peut-on pas penser que l’espérance amoureuse est un « enfant inquiet » d’Éros et/ou de l’amour propre ? L’espérance amoureuse n’est-elle pas un obstacle majeur au bonheur de l’amour ? L’amour propre, cet amour de soi sous le regard de l’autre, n’est-elle pas l’espérance même ? Les Stoïciens voyaient dans l’espérance une passion (Éros ou amour propre ?) Spinoza voyait dans l’espérance un manque de connaissance, une impuissance de l’âme dont il importe de se libérer pour tendre vers le bonheur. C’est pourquoi on peut penser que quand l’espérance est là, le plaisir et la volonté d’aimer n’étant pas là, le bonheur d’aimer ne peut pas être là non plus. Il paraît difficile voire impossible d’être heureux sans aimer, ne serait-ce au moins qu’aimer la vie ! Désirer ce qui est et qui dépend de soi c’est aimer pour le plaisir d’aimer. Désirer ce qui n’est pas et ne dépend pas de soi c’est espérer. Si le désir est manque (Platon), le bonheur d’aimer est manqué En revanche, si le désir c’est d’abord le plaisir d’aimer (Aristote et Spinoza), les écueils de l’espérance et de l’amour propre passant ainsi au second plan, le bonheur d’aimer a plus de chance d’exister. Aussi peut-on penser avec André Comte-Sponville qu’il faille pour être heureux d’aimer : - Désirer un peu moins ce qui manque et un peu plus ce qui est, - Désirer un peu moins ce qui ne dépend pas de soi et un peu plus ce qui en dépend, - Espérer un peu moins et vouloir un peu plus (pour ce qui dépend de soi) - Espérer un peu moins et aimer un peu plus (pour ce qui dépend de soi)

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